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Manou se livre
9 juin 2013

Sukkwan Island

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Roy a treize ans cet été-là, quand son père décide d'acheter une cabane isolée sur l'île de Sukkwan Island, en Alaska. Jim a proposé à son fils de passer une année à cet endroit, rien que tous les deux, pour jouer aux pionniers en quelque sorte. Au menu fantasmé de cette aventure : chasse, pêche, communion avec la nature. Mais c'est surtout pour fuir sa vie que Jim est ici. Ses échecs à répétition, son désir incontrôlable pour les femmes, ses erreurs et ses choix : il part pour oublier, pour croire en une ultime chance.

Pourtant, la solitude, les conditions de vie précaires et les difficultés qu'il n'avait pas prévu vont jouer un rôle inattendu dans le déroulement de leur séjour. L'attaque d'un ours réduit à néant leurs provisions de nourriture ; le froid s'installe plus vite que prévu. La radio censée leur permettre d'établir un contact avec le continent ne fonctionne pas. Ils manquent d'outils nécessaires, de savoir-faire, de réflexes. Les jours passent, le moral de Jim devient de plus en plus mauvais, les efforts de Roy ne semblent pouvoir en rien faire changer le cours des choses. La poisse, ou le destin, qui sait, semble les tirer toujours plus vers le fond. Un drame se profile, lentement, insidieusement... mais peut-être pas celui que l'on attendait.

J'avais beaucoup entendu parler de Sukkwan Island, qui a connu un immense succès en France comme à l'étranger. Dès les premières pages, le tragique est là, tapi dans un coin, et l'on sent qu'il ne faut presque rien pour le faire éclater. Mais quand se produit l'incompréhensible, les phrases que l'on aurait pas pu imaginer, on est alors totalement bouleversé, désorienté. C'est un roman étrange, qui m'a plu tout en me mettant assez mal à l'aise. Comme une sensation d'attraction-répulsion. Par exempe, j'ai détesté le personnage du père. C'est un homme égoïste, uniquement préoccupé par lui-même, délaissant son ado de fils, lui racontant ses problèmes d'adulte au détriment de toute pudeur, incapable de jouer son rôle de père, de référent. Il impose à Roy des crises de larmes tous les soirs, des détails déplacés concernant le sexe ou les femmes.

C'est un roman remuant, qui m'a rendue quelque fois nauséeuse, sonnée par cette lecture. La nature a une place prépondérante dans le récit, et joue un rôle déterminant dans le déroulement des évènements "Ca souffle comme s'il ne devait pas y avoir de lendemain, fit son père. Comme si la pluie cherchait à effacer tous les jours du calendrier." Pour être honnête, je ne suis pas très adepte des "nature writing" (comprenez romans américains ayant pour sujet l'homme et la nature) et pourtant on se laisse facilement embarquer par la narration de David Vann. Pour voyager dans les tréfonds de l'âme humaine, je vous conseille vivement Sukkwan Island. Mais que les amateurs de doux contes passent leur chemin ; car il n'y aura aucun échappatoire à cet implacable huis-clos.

 

Sukkwan Island, de David Vann. Editions Gallimard, Collec. Folio. 232 pages.

 

Ce livre a reçu le Prix Médicis Etranger en 2010

A tous prix

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Commentaires
M
C'est vrai que la seconde partie met les nerfs du lecteur à rude épreuve...<br /> <br /> Je savais que le père de David Vann s'était suicidé, mais j'ignorais qu'il aurait pu subir le même sort...brrrr c'est vrai que c'est hard quand même !!!
A
Paradoxalement, c'est surtout la seconde partie de ce livre qui m'a dérangée, le personnage du père se liquéfiant dans une espèce d'égocentrisme répugnant, ce pourquoi je n'ai pas l'impression que l'on puisse parler véritablement de "Nature writing", c'est plutôt un huis-clos, comme tu le dis, pas d'ouverture possible et aucune morale ... David Vann disait à "Etonnants voyageurs" que cette histoire lui avait été inspirée par sa propre vie, son père lui ayant proposé dans son adolescence de partager cette même expérience : lui ( et sa mère) avaient dit "non". Il disait avoir écrit ce qui se serait passé si il avait dit "oui". Ce qui rajoute aux frissons dans le dos.
L
Je retrouve mon souvenir de lecture dans ton billet. Si tu aimes l'écriture de David Vann, je te conseille vivement son dernier roman, "Impurs". Absolument implacable !! :)
M
Oui, il est dérangeant mais très intéressant en même temps... âmes sensibles s'abstenir par contre, il y a vraiment des scènes "gores" :-)
B
j'entends pas mal de positif sur ce roman, et ton avis confirme les dires<br /> <br /> il faut vraiment que je tente de me le procurer!
Manou se livre
  • Passionnée de littérature et d'écriture, de romans, de poésie et de théâtre, mais pas seulement. Mes thèmes fétiches : l'exil, l'immigration, les femmes, les relations entre les êtres... Mon amour des mots est le vôtre ? Alors bienvenue dans mon monde !
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